Filtrer
-
Natures
Jean-Marie Laclavetine, Jean-Luc Chapin
- Gallimard
- Albums Beaux Livres
- 2 Novembre 2017
- 9782072730665
Entre l'homme et la nature se tissent des liens indicibles, mystérieux, puissants.
Le paysage, plan large ou plan serré, en présente d'innombrables traces, que la photographie révèle. Elle nous aide à déchiffrer le palimpseste du visible, à déceler dans le fouillis de la forêt de symboles chantée par Baudelaire un sens, une harmonie, une écriture.
Le livre se présente comme une succession d'univers (la rivière, le marais, l'arbre,la terre, la mer, la montagne) dont l'exploration sollicite non seulement le regard, mais la mémoire la plus intime de chacun.
Les photographies de Jean-Luc Chapin se construisent dans la contemplation des lumières d'hiver, des berges qui s'étirent sous le ciel plombé, des flaques lumineuses dans des crépuscules de suie, des plages de vase où des oiseaux ont laissé leurs empreintes, des marnes incertaines dans les lueurs de fin - ou de début - du monde : l'aube des formes. Elles cherchent les premiers tremblements de la vie, le contact avec la matière.
L'anecdote n'y a pas sa place.
Dans chaque partie alternent les visions larges et les détails dont sont faits les vastes paysages : végétaux, animaux, traces dans la terre molle, écorces, reflets... La marque du vivant recherchée dans l'inerte, la photographie faisant apparaître les indices de son émergence. La marque nette d'une patte d'oiseau peut être lue comme un idéogramme, de même que les graffiti gravés voici deux siècles dans l'écorce des hêtres, déformés par le temps, dessine sous nos yeux une écriture nouvelle.
Les photos sont en noir et blanc, travaillées en argentique. Les pages s'ouvrent sur le secret de correspondances imprévues. Le livre propose un récit, indique des passages d'une photo à l'autre, d'une page à l'autre, d'un chapitre à l'autre : le langage du monde.
Les textes accompagnent cette méditation en images, sans les commenter mais en proposant un rythme, une musique, suivant l'itinéraire rêveur jalonné par les photographies - la « voix native » dont parle Muriel Barbery dans sa préface, où elle compare natures aux rouleaux de la Chine ancienne qui illustrent « la profonde solidarité de la nature et des signes ».
-
-
Le mouvement vers la mort n'est pas inéluctable, il n'est pas rectiligne, il n'est pas sans retour : le mort toujours finit par revenir dans le vivant. Rien ne dure car rien ne meurt. La mort parfois révèle l'amour, elle lui donne ses justes contours, sa couleur vraie, son goût d'irrémédiable. Toute la peinture de Voyet est là. Si elle donne à l'univers les teintes de la mort, c'est pour nous dire que rien ne meurt. Ces petites filles, ces femmes endormies, Romanita dont la silhouette familière et apaisante passe d'un tableau à l'autre, ce cortège de noce prenant dans la brume la pose pour l'éternité, ces gens qui marchent,
cette femme luttant contre la pluie, cet atelier à la lampe nue, cette gamine au cerceau qui ferme les yeux, ces marionnettes aux yeux miroitants et aux lèvres d'émail, ces demeures aux volets fermés, ces enfants de la pension Salmon baignant dans une lumière d'encre, la maison du Grand Monsoudun dans sa solitude triomphale, tout cela n'est pas mort, tout cela rit, tout cela vit en nous par la force du peintre, il nous le transmet comme un trésor, comme un héritage, afin que rien ne finisse. Peindre, pour Voyet, ce n'est pas seulement tenter de faire revivre ce qui a disparu : c'est saisir ce qui va certainement éclore, et que nous ne voyons pas encore.
-
-
-
Richard Texier, les dieux de la nuit
Jean-Marie Laclavetine
- Le Temps Qu'Il Fait
- 19 Mai 1998
- 9782868532442